L'effet des variations climatiques sur les conditions
de vie des soldats en milieu urbain
Les conditions climatiques n'ont pas un effet seulement sur l'équipement et le matériel des militaires déployés dans les villes de Mitrovica et de Sarajevo. En effet, le temps et le climat influencent également le moral des troupes au sol, c'est-à-dire qu'il agit sur les conditions de stress et de fatigue. Plus les conditions climatiques sont rudes, plus le moral des soldats est affecté. Le climat continental des villes de Sarajevo et de Mitrovica n'est pas un climat extrême pour des militaires européens (par rapport aux climats désertiques par exemple). Néanmoins, ce climat est bien plus rude que celui de la France, ce qui oblige le militaire à s'adapter tant aux étés très chauds qu'aux hivers très froids. Il semble que les hivers ont été plus pénibles à supporter pour les militaires, à la fois à Sarajevo et à Mitrovica : "il a fallu supporter du grand froid et du blizzard, des déluges et de la boue, mais aussi des changements météorologiques brutaux ou les violentes oppositions climatiques qui caractérisent cette région balkanique" [1]. Néanmoins, en hiver comme en été, le militaire doit dépenser plus d'énergie face à ces conditions climatiques, ce qui inclut une fatigue plus rapide et un stress plus grand. Malgré les progrès de la technologie, les militaires doivent admettre que le climat est une contrainte irrémédiable dans toute opération. Le facteur "climat" dans les opérations militaires est si conséquent que des études scientifiques ont été faites dans les différentes armées pour pouvoir changer les conditions climatiques en leur faveur pendant un conflit : "des conditions météorologiques artificiellement créées ne pourraient pas seulement influencer l'action de l'ennemi sur le champ de bataille, mais également modifier le comportement et les modes de vie de toute une population" [2]. Ces recherches prouvent que le climat influence le comportement des militaires et de la population en jouant sur le moral et la fatigue de tous les intervenants sur le théâtre d'opérations. En effet, la perception que le militaire a de ce milieu si particulier est modifiée par le stress qu'il connaît sur ce théâtre d'opérations. Les militaires qui prennent la relève dans les villes de Sarajevo et de Mitrovica apprennent de ceux qui reviennent de ces terrains les difficultés liées au climat ; c'est pourquoi, les militaires peuvent être angoissés par de telles épreuves à venir. Or, les facteurs humains (le stress et la fatigue) sont déterminants pour le déroulement des opérations et l'issue de la mission dans la mesure où leurs effets influencent les opérations militaires. En effet, d'après le Colonel John Boyd, "les machines ne font pas la guerre. Le terrain ne fait pas la guerre. Les hommes font la guerre. Vous devez rentrer dans le cerveau des hommes. C'est là que les batailles se gagnent." [3]. Ainsi, le militaire se fie régulièrement à ses sentiments plutôt qu'à un raisonnement strictement objectif lorsqu'il doit prendre une décision. Par conséquent, le temps et le climat sont des contraintes tant pour les matériels que pour les tensions subies, par les militaires, au quotidien.
[1] Thiéblemont, André, 2001, Expériences opérationnelles dans l'Armée de terre, Unités de combat en Bosnie (1992-1995), tome II : "Conditions de vie, pratiques tactiques, techniques et sociales, les sentiments", novembre 2001, n°42, Editions Centre d'études en sciences sociales de la défense (C2SD), Collection Les Documents du C2SD, pp. 19-20.
[2] L'armée de l'ex-Yougoslavie avait elle-même commencé des recherches de ce genre, notamment grâce aux travaux de Nikola Tesla (1857-1943) : "un physicien yougoslave, qui contribua à la découverte du courant alternatif et se consacra au développement d'un système de transmission viable pour les ondes hertziennes. Il travailla aussi sur la possibilité de modifier l'état émotionnel des gens". (Durschmied, Erik, 2004, Le facteur climat, Quand les forces de la nature ont changé le cours de l'Histoire, Editions JC Lattès / Trinacra, édition originale sous le titre The Weather Factor, par Hodder & Stoughton, en 2000, p. 345).
[3] cité dans Fadok, David, 1998, John Boyd et John Warden, La paralysie stratégique par la puissance aérienne, Economica, Paris.