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Géographie de la ville en guerre |
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Photographies : les quartiers de Mitrovica
Ces photographies ont été publiées dans mes mémoires de maîtrise (2004) et de DEA (2005) et les commentaires sont des extraits de ces mêmes documents.
Le pont de Mitrovica : le pont de la réconciliation ?
photographie prise en mars 2004, par B. TRATNJEK
Dans Mitrovica, la traversée de l'Ibar ne peut se faire que par deux ponts : le pont ouest (ici sur la photographie) et le pont est. Ceux-ci sont des points de passage obligés pour aller d'une rive à l'autre. Cette séparation par l'Ibar explique les particularités de la fixation historique des communautés à Mitrovica.
Le pont Ouest a été détruit pendant la guerre, à la fois comme axe de communication primordial, et comme symbole d'un lien possible entre les communautés. Ce nouveau pont a été conçu pour être grandiose, se voulant ainsi un symbole de la réconciliation entre les communautés, afin de créer un axe entre Serbes et Albanais de Mitrovica. Mais force est de constater que, même en temps de période de stabilité, les habitants ignorent ce pont : seuls s'y baladent les militaires de la KFOR, les acteurs de la communauté internationale, et anecdotiquement quelques journalistes, quelques chercheurs et quelques "touristes".
Pendant les périodes de manifestations ou d'émeutes, ce pont devient un point focal de la violence puisqu'il permet le passage des émeutiers vers l' "autre" quartier, l' "autre" ville de Mitrovica, là où l' "Autre" vit. En définitive, l'espace pratiqué des habitants de la ville de Mitrovica se conçoit en fonction de ce pont : chacun reste dans son quartier et l'entre-soi communautaire se renforce au fur et à mesure du temps.
L'ancien quartier rom
photographie prise en février 2004, par B. TRATNJEK
Le quartier rom a été complètement rasé par les Serbes et les Albanais. Ses maisons, qui étaient très modestes, ont été pillées, brûlées et enfin cassées à coup de marteau. Ancien quartier peu confortable, il n'avait même pas de routes goudronnées, la boue recouvrait les chemins : les conditions de vie y étaient particulièrement insalubres. Ce quartier , totalement isolé par l'extension de l'urbanisation, exclu des autres parties de la ville de Mitrovica, l'est aussi d'un point de vue ethnique. En effet, il était exclusivement monoethnique, seule la communauté rom y vivait. Les Roms constituent une minorité ethnique à travers toute l'Europe, qui a la particularité d'être non sédentarisée. Les Roms forment ainsi une nationalité sans nation présente à travers toute l'Europe. Bien que ce quartier rom soit le plus grand de toute la province kosovare, la population rom forme une minorité peu importante par son nombre d'habitants dans Mitrovica. Elle se démarque d'autant plus qu'elle vit totalement exclue des autres communautés. Elle possède tout un quartier sur la rive sud de l'Ibar, à l'ouest du quartier albanais, autour duquel on ne trouve aucune construction, ce qui amplifie ce phénomène d'isolement. Ce quartier était le plus pauvre de toute la ville, dans la mesure où sa population subit un taux de chômage proche de 90 %, du fait d'un rejet total de la part de toutes les autres communautés. Pourtant, les Roms se trouvent mêlés malgré eux au conflit intercommunautaire. Bien qu'ils se soient peu préoccupés de la vie de Mitrovica, ils ont subi la répression non seulement des forces de l'ordre serbes avant et pendant le conflit, mais aussi, lors du retrait des troupes serbes, la vengeance des Albanais qui leur reprochent d'avoir été pro-serbes. Les Roms de Mitrovica ont particulièrement subi la répression des Albanais. En effet, leur quartier a été totalement rasé après avoir été pillé. C'est la seule minorité de Mitrovica qui a essayé de fuir massivement au-delà des Balkans (en particulier en Italie, en Allemagne et en Belgique). Mais la plupart ont dû rester à Mitrovica, non seulement pour des raisons économiques, mais aussi parce qu'aucun pays ne s'est réellement préoccupé de leur sort. En effet, maintenant que ce quartier (qui symbolise la ségrégation que subit ce peuple au sein de la ville de Mitrovica) est totalement détruit, la communauté rom n'en est pas moins exclue du reste de la ville de Mitrovica. En effet, elle ne s'est pas installée dans des quartiers proches des autres communautés, ni à proximité des activités commerciales de Mitrovica. Ainsi, la population rom a été déplacée dans une sorte de camp monoethnique où personne ne rentre et personne ne sort, au nord-est de la ville.
Les Trois Tours
photographie prise en février 2004, par B. TRATNJEK
Les "Trois Tours" sont situées sur la rive nord de l'Ibar en face du "no man's land" qui entoure l'ancien quartier rom. Elles se distinguent par leur architecture, dans la mesure où elles sont de couleur grise, hautes, identiques, mais entourées de petites maisons basses qui s'assimilent plus à l'urbanisation des quartiers albanais qu'à celle du nord de la ville. Deux d'entre elles sont au bord de la route qui longe l'Ibar. La troisième tour, celle qui se trouve au milieu, se trouve en peu en retrait. Mais, leur célébrité dans Mitrovica ne vient pas de cette singularité dans le paysage urbain. Les Trois Tours logent des Albanais au nord de Mitrovica, bien qu'elles soient entourées par des quartiers serbes. Les Albanais forment donc une minorité dans Mitrovica nord. Ces tours regroupent une grande partie des Albanais présents dans cette partie de la ville. Avant le conflit, les tours étaient multiethniques, des Serbes et des Albanais s'y côtoyaient tous les jours. Depuis le conflit, les Serbes sont partis en masse vers d'autres quartiers du nord de Mitrovica. Les Albanais, quant à eux, se sont regroupés dans les deux tours les plus à l'ouest. Par conséquent, ces tours sont devenues non seulement le symbole de la division entre Albanais et Serbes ; mais en plus, elles sont devenues monoethniques et dangereuses. Ainsi, aujourd'hui, les deux tours les plus à l'ouest sont exclusivement albanaises, tandis que la troisième tour est peuplée en grande partie de Serbes. Ce quartier est, par conséquent, marqué par l'insécurité, à proximité du pont ouest. C'est pourquoi, c'est un quartier sensible dont les militaires doivent absolument assurer la stabilité et la protection. Les Trois Tours sont un symbole pour les habitants de Mitrovica : pour les Serbes, la tour est, toujours peuplée de Serbes, est le symbole de leur résistance face à la vengeance albanaise qui venait de la rive sud de l'Ibar. Par contre, pour les Albanais, ces tours sont le symbole de leur résistance en territoire "ennemi" dans la mesure où la tour centrale et la tour ouest sont désormais exclusivement peuplées de membres de leur communauté.
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