Géographie politique, militaire, urbaine, culturelle et sociale
 
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Sarajevo : de la ville multiculturelle à la ville divisée

Sarajevo : de la ville multiculturelle à la ville divisée

 

Cette présentation de la ville de Sarajevo est issue de mon mémoire de DEA (TRATNJEK, Bénédicte, 2005, Les militaires face au milieu urbain : étude comparative de Mitrovica et Sarajevo, Université Paris-Sorbonne, mémoire de DEA de géographie politique, culturelle et historique, 634 pages). Retrouvez un TABLEAU DE SYNTHESE sur les transformations de la ville de Sarajevo à la page "Sarajevo : les évolutions d'une ville en guerre". Découvrez également un site de photographies sur Sarajevo en bas de page.

 



ANALYSE

Sarajevo avant la guerre : la ville multiculturelle
Sarajevo pendant la guerre : la ville divisée
Sarajevo après la guerre : la ville homogénéisée

 

SCHEMAS

Sarajevo : de la ville multiculturelle à la ville divisée
Sarajevo : d'un carrefour économique régional à une ville d'influence locale

 

Sarajevo avant la guerre : la ville multiculturelle

La composition et la répartition de la population dans la ville de Sarajevo sont issues de la longue histoire de la ville. En effet, avant de subir un siège de quatre ans, Sarajevo était une ville multiethnique et multiculturelle où les populations se mélangeaient dans les mêmes quartiers. Le cosmopolitisme de cette ville se traduisait par deux faits de société très importants : tout d'abord, les populations ne se regroupaient pas par quartiers distincts mais se mêlaient les unes aux autres dans les mêmes quartiers ; d'autre part, les mariages mixtes (c'est-à-dire entre populations d'ethnies et de religions différentes) étaient fréquents dans la ville de Sarajevo. C'est pourquoi, il est particulièrement difficile, pour un chercheur voulant respecter la réalité du terrain, de cartographier la répartition ethnique de la ville de Sarajevo avant le conflit, dans la mesure où la ville était issue d'un mélange des communautés entre elles, et non pas – comme dans le cas de Mitrovica – d'une cohabitation mutuelle entre deux communautés principales qui ne se sont pas mêlées. Il n'existe pas, dans la ville avant conflit, de quartiers communautaires, et règne même un pluriculturalisme au sein de toutes les familles du fait des mariages mixtes : "Sarajevo, une ville unie. Il en a toujours été ainsi depuis que cette ville existe, depuis que ces gens l'habitent" [1]. Avant le début du confit, la répartition de la population dans la ville de Sarajevo est organisée selon le "komsiluk", c'est-à-dire le bon voisinage : "le terme «.komsiluk.», d'origine turque (komsuluk signifie «.voisinage.»), désigne les relations de voisinage dans leur ensemble. Dans le contexte pluricommunautaire bosniaque, il a toutefois une double connotation, étant utilisé de façon privilégiée pour désigner les bonnes relations entre voisins appartenant à des communautés différentes. Le komsiluk désigne donc, en Bosnie-Herzégovine, le système de coexistence quotidienne entre les différentes communautés. Celui-ci s'exprime essentiellement dans le travail ou la vie quotidienne, l'invitation à la célébration des cérémonies religieuses et l'association aux événements de la vie familiale. Dans ces trois domaines, il obéit à des règles strictes de respect et de réciprocité. Le komsiluk est souvent symbolisé par ce café sucré qui, autour d'une table et dans des fidzan (fines tasses de porcelaine sans anse), se boit entre komsije[2]. Avant la guerre, la ville comptait 49% de Bosniaques, 33% de Serbes, 7% de Croates et 11% de Yougoslaves, selon les déclarations des habitants au recensement de 1991. Les différentes populations étaient réparties de façon homogène dans l'ensemble de la ville.

 

Sarajevo pendant la guerre : la ville divisée

Le siège de Sarajevo a perturbé durablement les équilibres démographiques de la ville. En effet, les zones tenues par les Serbes ont été "purifiées" ethniquement pendant le conflit, c'est-à-dire vider de leurs populations non serbes et remplacer par des réfugiés venant du sud de la ligne de front. C'est pourquoi, une véritable frontière ethnique s'est créée dans la ville de Sarajevo, séparant d'une part des quartiers serbes, et d'autre part des quartiers bosniaques et croates. La ligne de front n'a pas été une simple limite entre des combattants de parties diverses, elle a formé une délimitation vécue dans la ville de Sarajevo. Les habitants ont ressenti l'effet de frontière au sein de leur ville. Des flux de population ont modifié la répartition communautaire de part et d'autre de cette ligne de front, du fait de l’arrivée de soldats serbes dans des quartiers tenus par la force. C'est ainsi que sont apparus des quartiers ethniques dans la ville de Sarajevo. Par conséquent, le siège de Sarajevo regroupait les populations, plus que jamais, autour de l'entraide de bon voisinage, jusqu'à l'intrusion de troupes serbes dans la ville, et leur occupation de certains quartiers à des fins d' "homogénéisation" ethnique .

La fin du conflit a marqué une nouvelle étape dans les transformations démographiques de Sarajevo. En effet, cette ville a été l'un des enjeux lors de la négociation des accords de paix, du fait des modifications de la répartition ethnique pendant le siège : "lors des Accords de Dayton, Alija Izetbegović obtint la rétrocession des quartiers et des faubourgs de la capitale occupés par les forces serbes. […] Les forces serbes se replièrent vers la bourgade de Pale, proclamée capitale de la République serbe et rebaptisée dès le début de la guerre «.Sarajevo serbe.». La population civile serbe quitta massivement les quartiers restitués aux Musulmans bosniaques" [3]. C'est pourquoi, de nouveaux mouvements de population ont perturbé les équilibres démographiques de la ville. Ainsi, au moment où le siège a été levé, les habitants serbes et croates de la ville ont pu la fuir, pour regagner des villes où leur communauté est majoritaire, ou même quitter la Bosnie-Herzégovine. Les populations qui, auparavant, se mélangeaient sans porter d'attention à l'appartenance confessionnelle et ethnique, se sont déchirées. Le paysage humain de la ville de Sarajevo a, par conséquent, été totalement modifié par les quatre années de siège.

 

Le siège de Sarajevo
Cette carte est aujourd'hui vendue dans les librairies de Sarajevo.

 

Sarajevo après la guerre : la ville homogénéisée

 La ville a été réunifiée. Néanmoins, elle est marquée par les changements démographiques survenus pendant la guerre et amplifiés par de nouveaux phénomènes. Comme dans le cas de Mitrovica, la population urbaine de Sarajevo a profondément été modifiée par l'arrivée massive de ruraux pour deux raisons principales : d'une part, l'exode rural amplifié par les dégâts économiques dus au conflit dans les campagnes ; d'autre part, l'arrivée dans la ville de déplacés ou d'anciens réfugiés qui n'étaient pas Sarajéviens, mais fuyant la pauvreté des campagnes sont venus s'installer dans la ville à leurs retours. C'est pourquoi, les caractéristiques démographiques de la population de Sarajevo ont profondément et durablement été modifiées le temps du siège de la ville. De nouveaux équilibres ont été créés au point de transformer totalement le paysage humain de la ville : Sarajevo est désormais marquée par une tendance générale à une homogénéisation, qui s'apparente à une "bosniaquisation" de la ville.  


 

[1] Broz, Svetlana, 2005, "Sarajevo, ville unie (Témoignage de Velimir Milosevic, poète, Sarajevo, octobre 1998)", Des gens de bien au temps du mal, Témoignages sur le conflit bosniaque (1992-1995), Lavauzelle, Collection Renseignement, Histoire et géopolitique Documents, Panazol, p. 94.

[2] Bougarel, Xavier, 1996, Bosnie, Anatomie d'un conflit, La Découverte, Collection Les dossiers de l'état du monde, Paris, p. 81.
[3] Dérens, Jean-Arnault et Catherine Samary, 2000, Les conflits yougoslaves de A à Z, Les éditions de l'atelier, Paris, p. 329.

 

 

 

 

Sarajevo : de la ville multiculturelle à la ville divisée

 

 

 

 

 

Sarajevo : d'un carrefour économique régional à une ville d'influence locale

 

 

 

 

 

 


 Je vous invite à découvrir les photographies d'une ancienne étudiante en géographie, passionnée de photographies, sur la ville de Sarajevo. Photographies qu'elle a réalisé lors de ses deux séjours de six mois à Sarajevo en 2003 et 2004 dans le cadre de sa maîtrise et de son DEA.

Lien vers le site d'Eloïse BOLLACK

 

Photographie d'Eloïse BOLLACK, 2003.

 

 

 


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Les textes ici proposés sont protégés par les règles contre le plagiat. Merci de citer avec précision l'auteur dans vos travaux de recherche et de ne pas vous approprier ces documents. TRATNJEK Bénédicte Ce site web a été créé gratuitement avec Ma-page.fr. Tu veux aussi ton propre site web ?
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