Le programme de 3ème permet d'aborder la question de la propagande au cours du XXème siècle, notamment par l'utilisation croissante des médias. Un lien entre le programme d'histoire et le programme de géographie (géopolitique du monde) peut être l'occasion de sensibiliser les élèves à cette notion, et de leur montrer combien la question est d'actualité.Le lien peut également être fait avec certaines notions du programme d'éducation civique (médias et démocratie, influence des médias dans les élections, rôle de l'ONU dans des pays où les Droits de l'Homme sont menacés), afin de faire un parallèle entre la situation en France et celle dans d'autres pays du monde.
Thème n°1 : La liberté de la presse au Turkménistan
Questions : La liberté de la presse au Turkménistan
Comment peut-on qualifier la liberté de la presse au Turkménistan ?
Qui contrôle les médias ? Pourquoi ?
Confrontez la situation du Turkménistan à celle de la France en matière de liberté d'opinion et d'expression.
Paragraphe argumenté : A l'aide des documents et de vos connaissances, vous rédigerez un paragraphe argumenté d'une quinzaine de lignes montrant que les informations sont contrôlées et manipulées au Turkménistan.
Thème n°2 : Niazov, un dictateur mégalomane
Questions : Niazov, un dictateur mégalomane
Comment qualifier le régime politique du Turkménistan du temps de Niazov ? Donnez une définition de ce type de régime politique.
Quels sont les moyens utilisés par Niazov pour asseoir son pouvoir autoritaire ?
Quelles transformations dans la capitale Achgabat symbolisent le contrôle total de Niazov sur le pays ?
En quoi les libertés individuelles et collectives ne sont pas respectées au Turkménistan ?
Paragraphe argumenté : A l'aide des documents et de vos connaissances, vous rédigerez un paragraphe argumenté d'une quinzaine de lignes montrant les enjeux de la dictature au Turkéminstan.
LE TURKMENBASHI CONTRÔLE :
L'activité économique
Les individus
Aménagement du territoire : ......................................................
.......................................................................................................
Un parallèle peut être fait avec le régime stalinien :
- Activité économique (collectivisation, planification, incitations à produire)
- Individus (encadrement, propagande, répression)
Document n°1 : Le Turkménistan, un pays d'Asie centrale
Questions :
Le Turkménistan est indépendant depuis 1991 : à quel pays appartenait-il auparavant ?
Quels sont les pays voisins du Turkménistan ? Appartenaient-ils au même pays que le Turkménistan avant 1991 ?
Document n°2 : Un autre Saddam au Turkménistan
Questions :
Comment s'appelle le dirigeant du Turkménistan décrit dans ce document ?
Qui est Saddam Hussein ?Pourquoi l'auteur compare le dirigeant du Turkménistan et Saddam Hussein ?
L'auteur fait allusion à un autre homme politique : qui est Staline ? Que sont les "procès staliniens" ? Pourquoi l'auteur compare la situation du Turkménistan à ces procès ?
Source du document : DUFOUR Brigitte, cyberpresse.ca, 4 octobre 2003
Brigitte Dufour est avocate et directrice adjointe de la Fédération Internationale d'Helsinki pour les Droits de l'Homme (IHF).
"Pendant que tous les yeux sont rivés sur l'Irak, les populations de certains pays de l'ex-Union soviétique continuent d'être soumis à des dictateurs et à leurs pratiques répressives. La palme de l'autoritarisme et de la mégalomanie va sans conteste au Président du Turkménistan, Saparmourat Niazov, qui dirige de main de fer ce pays d'Asie centrale de quelque 5 millions d'habitants.
Le Turkménistan est certainement l'un des régimes les plus fermés au monde. Sa déclaration de «neutralité» est utilisée par son dirigeant pour isoler le peuple et bafouer les droits de la personne. Cet isolationnisme semble fonctionner en sens inverse également: qui pourrait placer ce pays sur une carte du monde et décrire, même en quelques mots, sa politique, son histoire, sa géographie ou son peuple ?
Culte de la personnalité et répression de la dissidence
Non content d'avoir été Secrétaire général du parti communiste turkmène jusqu'à l'effondrement de l'Union soviétique, le président Niazov est à la tête du pays depuis son indépendance en 1991. Celui qui se fait appeler Turkmenbashi, c'est-à-dire «Père de tous les Turkmènes», s'est fait élire président à vie par l' «assemblée du Peuple», un simulacre de parlement. Constituée de trois mille représentants, cette assemblée compte principalement des membres directement nommés par le président, ainsi que des «élus» appartenant au seul parti politique autorisé dans ce pays: le parti présidentiel.
La seule opposition au régime vit aujourd'hui en exil. Aucune organisation locale de droits de la personne ne peut légalement exister dans ce pays. Depuis des années, toute critique des politiques du président ou de son gouvernement a conduit ses auteurs à la persécution, à l'emprisonnement ou à l'exil, qu'il s'agisse de journalistes, de membres de minorités religieuses ou ethniques, d'opposants politiques ou de défenseurs des droits de la personne.
Une «Déclaration des différents actes illégaux de haute trahison et les mesures de sanction contre les traîtres » a été adoptée il y a quelques semaines par l'assemblée du peuple. Ce texte stipule que sont considérés crimes de haute trahison, entre autres, « tous efforts de semer le doute au sein du peuple quant à la politique intérieure ou extérieure du premier président et président permanent du Turkménistan, le Grand Saparmourat Turkmenbashi».
Les droits civils ou politiques sont totalement bafoués. Le Comité de Sécurité Nationale, successeur du KGB, en a gardé les mêmes tactiques et s'immisce dans les moindres recoins de la vie publique ou privée des citoyens. Récemment, les autorités ont ré-introduit le concept purement soviétique de « visas de sortie » pour les citoyens désirant quitter le territoire turkmène. Les visiteurs étrangers sont quant à eux suivis de près par les services secrets et ne peuvent rencontrer et discuter avec des Turkmènes sans les mettre en danger.
Aucun espace n'est laissé à la libre expression des idées. Tous les journaux sont strictement contrôlés par les autorités et ont pour fondateur le Président Niazov. Ainsi, à la première de chaque journal apparaît le dicton suivant : « Que ma langue se fige à la moindre déloyauté envers Toi … Que mon souffle me quitte si je trahis ma Patrie, mon Président, Ton drapeau sacré…».
Le culte de la personnalité du président atteint des proportions grotesques. Dans la capitale, Achkhabad, une gigantesque statue a été érigée à son effigie, un monument plaqué or de douze mètres de haut et pivotant de façon à suivre le mouvement du soleil.
Le peuple vit dans la misère en dépit des richesses naturelles du pays, exploitées pour l'unique profit de l'entourage du richissime Turkmenbashi. Afin de mener à bien ses plans d'urbanisme démesurés, des quartiers entiers ont été détruits et des familles mises à la rue sans pré-avis ni compensation. Tout ceci n'est pas sans rappeler les penchants mégalomaniaques de feu Ceausescu en Roumanie, qui fit raser plusieurs quartiers historiques de Bucarest afin de faire construire son célèbre palais démesuré.
L'année dernière, Turkmenbashi a publié un livre, le Rukhnama, qui prétend contenir l'essentiel de l'histoire, de la politique et des règles de morale turkmène. Ce livre à la lecture obligatoire est devenu le principal manuel d'éducation à l'école. Le livre a été déclaré de même importance que la Bible ou le Coran. Pire encore, selon Amnistie Internationale, lorsque des prisonniers refusent de porter serment sur le Rukhnama, ils sont battus et, dans de nombreux cas, privés de liberté une fois leur sentence expirée.
Escalade de la répression depuis le 25 novembre 2002 : des procès staliniens
Comme si cela ne suffisait pas, le Turkménistan connaît depuis le 25 novembre dernier une vague de répression sans précédent, après une soi-disant tentative d'assassinat à l'encontre de son président.
Dans les quelques jours qui ont suivi cet événement, plus d'une centaine de personnes ont été arrêtées, pour la plupart des membres de familles d'opposants en exil.
Dès décembre 2002, les procès commençaient. Ne durant que quelques heures, ces procès-spectacles furent dignes des pires moments du stalinisme. Aucun observateur étranger n'a pu avoir accès aux salles d'audience. Les accusés étaient représentés le plus souvent par des avocats commis d'office, n'ayant pas eu accès au dossier ou à leur client. L'avocat d'Olga Prokofieva, l'une des accusées, a même déclaré en début d'audience sa « honte de représenter une personne telle que vous ».
La télévision d'État a montré l'un des accusés principaux, Boris Chikmouradov, ancien ministre des affaires étrangères, affublé de la mention « terroriste » et lisant une déclaration dans laquelle il déclare que « moi et mes complices à Moscou, nous ne sommes pas des membres d'opposition mais des criminels ordinaires et des drogués (…) nous sommes tous des brutes (…) je suis un criminel capable seulement de détruire l'Etat ». Et il termine son extraordinaire confession en se repentant et en qualifiant le président Niazov de «cadeau du ciel au peuple turkmène »…
Boris Chikmouradov a été condamné à 25 ans de prison par la Cour suprême, qui a entendu l'affaire et rendu son jugement le 29 décembre, quatre jours seulement après son arrestation, le 25 décembre. Le lendemain du procès, l'assemblée du peuple se réunissait et demandait à hauts cris le rétablissement de la peine de mort pour Boris Chikmouradov, ce que le président Niazov, sous prétexte d'humanisme, rejeta. Il fut donc « unanimement décidé » de transformer la sentence de 25 ans en emprisonnement à vie, ce qui signifie vraiment, dans ce pays, l'emprisonnement jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Le rôle des institutions internationales
Dans le contexte alarmant qui a suivi le 25 novembre, l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) a eu recours à un mécanisme d'urgence rarement utilisé, le « Mécanisme de Moscou », afin d'enquêter sur les violations massives des droits de la personne dans un pays membre de l'organisation. Le Turkménistan a refusé de coopérer et n'a pas voulu même émettre un visa au professeur Decaux, le rapporteur désigné par l'OSCE.
Dans la présentation de son rapport à Genève le 2 avril dernier, Monsieur Decaux a décrit les violations graves des droits de la personne depuis le 25 novembre, y compris l'usage de la torture pour soutirer des aveux, l'administration forcée de drogues afin de criminaliser les détenus, et la répression collective des « ennemis du peuple », dont plusieurs ont pu déjà être éliminés par le régime.
Le rapport liste une soixantaine de personnes condamnées à ce jour pour leur rôle présumé dans la tentative d'assassinat. Les peines encourues vont de cinq ans de prison à la prison à vie, souvent accompagnées de la confiscation des biens des condamnés, une pratique ayant pour conséquence de jeter des familles entières à la rue. De plus, une multitude de personnes sont encore détenues en liaison avec cet attentat, auxquelles personne n'a eu accès jusqu'à aujourd'hui. On ignore l'endroit même où plusieurs d'entre elles se trouvent.
La presque totalité des détenus sont membres de la famille de quatre principaux accusés. Ainsi, non moins de quarante personnes sont de la seule famille de Saparmourat Iklimov, un Turkmène exilé en Suède et condamné in abstentia. Il s'agit là d'une véritable purge dirigée contre cette famille punie collectivement pour le crime prétendu d'un des leurs.
Mettre fin à l'indifférence
Le rapporteur de l'OSCE alerte la communauté internationale en concluant que « tout délai à agir serait non seulement la preuve d'une abdication morale, mais aussi une complicité collective ». Les espoirs sont tournés vers la 59ème Commission des Droits de l‘Homme des Nations Unies qui siège actuellement à Genève, où des organisations de défense de droits de la personne tentent d'obtenir l'adoption d'une résolution sur le Turkménistan. Cependant, comme chacun le craignait, la Commission est presque entièrement monopolisée par les débats sur l'Irak. Espérons que certains membres de la Commission comprendront néanmoins qu'il n'y a pas qu'un seul Saddam dans ce monde…
Une vague de répression sans précédent continue au Turkménistan dans l'indifférence presque totale. Le contexte international actuel permet aux pires dictateurs, hormis Saddam Hussein bien sûr, d'agir en toute impunité. Les régimes répressifs s'accommodent très bien de la guerre contre le terrorisme qui a suivi les événements du 11 septembre, utilisant le prétexte de cette lutte pour écraser les dissensions internes. La guerre en Irak a aussi pour conséquence d'ignorer d'autres drames et d'abandonner des peuples entiers écrasés par l'autoritarisme. Car c'est tout un peuple qui souffre, étouffe, meurt aujourd'hui dans cette gigantesque prison qu'est le Turkménistan."
Document n°3 : Les médias au Turkménistan
Questions :
Quels types de restrictions subit la presse au Turkménistan ?
Qui contrôle les médias ? Quels moyens utilise-t-il ?
La population a-t-elle accès à la presse étrangère ? Pourquoi ?
Source du document : LECLER Jacques, site "L'aménagement linguistique dans le monde", consulté le 30 juillet 2008.
Jacques Leclerc est membre associé au TLFQ (Trésor de la langue française au Québec, Université Laval à Québec).
"Au Turkménistan, la liberté de presse n'existe pas. Les publications étrangères sont interdites, les signaux satellites sont bloqués et Internet est assujetti à des restrictions et à des prix élevés fixés par le seul fournisseur de service, c'est-à-dire le gouvernement. Le Turkménistan est le pays le plus répressif des anciennes républiques soviétiques en matière de liberté de la presse. La censure y est totale. Tous les journaux sont strictement contrôlés par les autorités et ont tous pour fondateur l'ex-président Niazov. Ainsi, à la Une de tous les grands journaux apparaît le dicton suivant :
Que ma langue se fige à la moindre déloyauté envers Toi
Que mon souffle me quitte si je trahis Ma Patrie, Mon Président, Ton Drapeau sacré
La diffamation ou l'insulte sur la personne du président sont passibles de peines allant jusqu'à 25 ans de prison. Non content de posséder un monopole absolu sur la presse écrite et l'audiovisuel, l'État tente par tous les moyens de filtrer les informations venant de l'extérieur, bloquant la distribution de journaux étrangers. La classement mondial de ''Reporters sans frontières'' pour la liberté de la presse place le Turkménistan à la 167e place (sur 168), juste après la Corée du Nord.
La presse écrite
Les journaux publiés au Turkménistan sont relativement nombreux et ils jouent un rôle important pour le gouvernement dans la diffusion de l'information. La plupart des journaux sont publiés en turkmène, en russe et en turc. L'agence de presse officielle du pays est la Türkmendöwlethabarlargullugy, qui publie le bulletin d'information hebdomadaire Turk-menistan News.
Les quotidiens les plus répandus dans le pays sont Turkmenistan, Watan, Achkhabad et Nesil, tous en langue turkmène. En général, ils ne comptent que huit pages, sont peu diffusés et diffusent la litanie des propagandes du pouvoir en place. Le Neytralnyy Turkmenistan est un peu plus influent auprès de la population russophone qui se méfie des autorités. Des quotidiens régionaux sont aussi répandus tels que Turkmen Gundo-gary de Türkmenabat, Balkan de Balkanabat, Maru-Şahu-Jahan de Mari et Dasoguz Habarlary de Daşoguz. Les hebdomadaires tels que Galkynyş, Habarlar et Biznes Reklama ont une certaine diffusion, tandis que parmi les publications mensuelles Diyar et Altyn Asyryng Ykdysadiyeti (un magazine d'économie publié en turkmène, en russe et en anglais) sont assez répandues. Il n'existe pas de journaux destinés spécifiquement aux minorités ethniques.
La presse électronique
Les émissions radiophoniques au Turkménistan sont diffusées par la NTRC National Television and Radio Company, l'organisme de l'État préposé à la gestion des services de radiodiffusion et de télévision. Les émissions sont réalisées essentiellement en langue turkmène. Les stations nationales TMT1 et TMT2 diffusent en turkmène, mais aussi en russe (quinze minutes par jour) et en anglais. Pour la population russophone, il existe la station russe Mayak. Les principales stations de télévision sont Altyn Asyr, Yaşlyk et Mi-ras, qui transmettent en turkmène. La population russophone dispose seulement de la station ORT, car le gouvernement a retiré l'autorisation d'émettre à la chaîne RTR de Moscou; la station ORT est très écoutée par les Turkmènes qui apprécient sa programmation plus attrayante. Pour les autres minorités, le gouvernement ne mène aucune politique culturelle et s'en remet à la langue russe pour les quelques échanges autorisés. Un programme quotidien, retransmis par le satellite Türksat et diffusé par ondes hertziennes, offre à la population turkmène quatre heures quotidiennes de télévision turque."
Document n°4 : L'école au Turkménistan
Questions :
En quoi l'école forme-t-elle le futur citoyen en France ? Quels sont les outils mis en oeuvre pour apprendre aux élèves leur rôle de citoyen français et européen ?
Qu'est-ce que la laïcité ? En quoi est-elle un fondement de la République française ?
En quoi le Président Niazov utilise l'école pour asseoir son pouvoir ? Expliquez quels sont les moyens mis en place pour encadrer la jeunesse de son pays ?
Au regard de ce contrôle et, comment peut-on qualifier le régime de Niazov au Turkménistan ? Quels autres personnages de l'Histoire du XXème siècle ont utilisé les mêmes procédés ? Expliquez.
Source du document : Extrait de l'émission Envoyé Spécial, "Turkménistan : la folie Niazov (une dictature sans partage)", 2006.
Vous pouvez vous procurer l'émission ici.
Document n°5 : Un système politique fondé sur les purges
Questions :
Pourquoi l'auteur compare-t-il les purges politiques qui ont eu lieu au Turkménistan au "système stalinien" ? Expliquez
L'auteur fait allusion à des "colonies pénales". Quel est le nom de ce type de lieux où l'on incarcérait les prisonniers politiques en URSS ? Décrivez. Pourquoi ces "prisons" sont, dans le cas de l'URSS et du Turkménistan, situées dans des lieux isolés ?
Comment le président Niazov utilise-t-il la propagande pour asseoir son pouvoir et éliminer tout concurrent potentiel ?
Source du document : PEYROUSE Sébastien, 2007, Turkménistan : un destin au carrefour des empires, Editions Belin et La documentation française, collection Asie Plurielle, Paris, pp. 79-80.
Sébastien Peyrouse, docteur de l'INALCO, spécialiste de l'Asie centrale, est chercheur associé à l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et au Central Asia and Caucasus Institute (Johns Hopkins University, Washington D.C.).
"Sur le modèle stalinien, S. Niazov cherche à empêcher l'émergence de toute opposition interne aux structures étatiques par un système permanent de purges des fonctionnaires. Celles-ci commencent dès le début des années 1990. Elles sont alors essentiellement dirigées contre des responsables techniques, accusés de freiner les succès économiques du pays. En août 1995, S. Niazov limoge un cinquième des principaux responsables administratifs du pays en les accusant de ne pas avoir respecté les plans en matière de production céréalière. Ce turn-over institutionnalisé atteint peu à peu les figures politiques du régime. Ainsi, le porte-parole de la présidence en 1991-1994, D. Gurbanov, est arrêté en septembre 1998, officiellement pour détournement de fonds des propriétés de l'Etat.
La logique des purges s'accélère en 2002 avec l'événement majeur qu'est la tentative d'attentat perpétrée contre S. Niazoc, dont le cortège essuie des tirs de mitraillettes au matin du 25 novembre. L'affaire de l'attentat fait couler beaucoup d'encre et de très nombreux observateurs affirment que celui-ci a été organisé par le président lui-même afin de lancer une importante purge au sein des élites politiques. S. Niazoc accuse immédiatement pêle-mêle la Russie, l'Ouzbékistan, l'Azerbaïdjan, ainsi que la Turquie et les Etats-Unis d'avoir voulu l'assassiner. Il ordonne une grande vague d'arrestations et autorise, en janvier 2003, la création de colonies pénales dans la région de Bakdach, dans le désert du Karakoum, déclarant en cette occasion que les camps staliniens étaient une mesure humaine et efficace pour assainir la société. Il dote le Halk Maslahaty de nouveaux pouvoirs en l'autorisant à choisir le successeur du président en cas de disparition de celui-ci. Depuis cette date, le turn-over des ministres est d'une telle ampleur que presque aucun d'entre eux n'a pu occuper de poste durant plus d'une année. En 2005, S. Niazov fait de nouveau sensation en limogeant son plus proche collaborateur depuis une décennie, le vice-Premier ministre Yolly Gurbanmuradov, accusé de polygamie et de traîtrise.
Les répressions sont d'une telle régularité que l'on estime que la majorité des hommes politiques et hauts fonctionnaires de l'Etat turkmène ont été emprisonnés à un moment ou à un autre de leur carrière. Dans les dernières années de règne de S. Niazov, nombre de personnalités refusent les postes à responsabilité, conscientes du risque encouru. Le président limite également les possibilités de coup d'Etat interne en ne cessant de diviser les responsabilités et en multipliant les postes, en particulier en matière énergétique, afin d'empêcher l'émergence de personnalités disposant de réseaux solides et de revenus garantis. Ces purges systématiques, outre leurs conséquences individuelles, s'avèrent nocives pour le fonctionnement de l'Etat : elles favorisent en effet la corruption à grande échelle, puisque les personnes en poste savent qu'elles disposent de peu de temps pour s'enrichir. La corruption est toutefois utilisée comme un motif de propagande dans la lutte de S. Niazov contre son entourage. Ainsi, tout fonctionnaire dont la loyauté est mise en doute est renvoyé et souvent emprisonné pour corruption. Un décret rendant obligatoire la couverture médiatique de tout crime commis par des agents de l'Etat permet au président de délégitimer ses concurrents potentiels et de se présenter comme le seul à pouvoir lutter contre les défauts de sa propre administration."
Document n°6 : Un culte de la personnalité sans limites
Questions :
Quels sont les différents moyens utilisés par Niazov pour mettre en place un culte de la personnalité exacerbé ?
Pourquoi renommer les villes et les rues ?
Quelles idées la propagande diffuse-t-elle ?
Source du document : PEYROUSE Sébastien, 2007, Turkménistan : un destin au carrefour des empires, Editions Belin et La documentation française, collection Asie Plurielle, Paris, pp. 84-85.
Sébastien Peyrouse, docteur de l'INALCO, spécialiste de l'Asie centrale, est chercheur associé à l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et au Central Asia and Caucasus Institute (Johns Hopkins University, Washington D.C.).
"Pendant plus de quinze ans, l'effigie de S. Niazov est restée omniprésente, dans les rues, les institutions, les écoles, les usines, les transports en commun du Turkménistan. Tous les lieux publics sont ornés de portraits et de slogans du Turkmenbashi. L'ensemble de la capitale est repensé comme un monument à ciel ouvert dédié au président. Une immense statue de lui en or, les bras ouverts, veillant sur son peuple, placée au sommet d'une colonne, domine la place centrale de la capitale et tourne en 24 heures sur elle-même en indiquant la rotation du soleil. Dans son village natal de Kypchak, une autre statue en or le représente tenant un livre comme symbole de la sagesse qu'il apporte à la nation. En tout, plus d'un millier de sites sont renommés en son nom : la ville de Krasnovodsk, devenue Turkmenbashi, mais également des universités, des mosquées, des stades, des avenues, des institutions, des aéroports, etc.
S. Niazov est présent sur tous les billets de banque du pays, et a fait battre une série de pièces de monnaie à son effigie à l'occasion de son anniversaire en février 2000. Sur les trois chaînes de télévision, un logo représentant son profil apparaît de manière permanente en haut à droite de l'écran. Son portrait orne également les bouteilles de vodka produites dans le pays. La folie présidentielle, ou la volonté de restaurer en partie son image de marque en Occident, l'a conduit, en mai 2004, à faire soudainement enlever ses portraits des rues au nom de la "lutte contre le culte de la personnalité", mais les statues et les dénominations publiques en son honneur sont restées de mise et les portraits sont peu à peu revenus. Dans la seconde moitié des années 1990, il étend le culte de la personnalité à sa famille, en particulier à ses parents. Il fait de son père un héros patriotique et rebaptise la ville de Kerki, à l'Est du pays, en son honneur.
Au début des années 2000, de premières allusions à S. Niazov en tant que figure divine apparaissent dans les journaux. La propagande mentionne que celui-ci a soudainement retrouvé la chevelure brune de sa jeunesse, signe de sa protection divine. Ce changement d'apparence suscite pendant plusieurs semaines la mobilisation d'une importante main-d'oeuvre chargée de remplacée les milliers de photos le présentant avec des cheveux blancs réparties à travers tout le pays. Il se proclame également prophète et déclare descendre tout autant de Mahomet que d'Alexandre le Grand. A ce titre, il engage plusieurs chercheurs chargés de travailler sur son arbre généalogique afin de prouver cette prestigieuse filiation. En 2002, il annonce avoir repensé le système de périodisation des âges de la vie : il serait tout juste entré dans "l'âge prophétique" et pourrait atteindre, après 73 ans, "l'âge inspiré". La même année, il décide d'imposer un nouveau calendrier censé correspondre aux spécificités de la nation turkmène. Enfin, le Turkmenbashi, qui est un homme complet, se veut également poète : plusieurs recueils de poésie sont publiés de son vivant et un dernier volume paraît post-mortem à la fin de l'année 2006."
Document n°7 : Le Turkménistan, 15 ans après l'indépendance
Questions :
Comment caractériser la liberté de la presse au Turkménistan ?
Quelles sont les conséquences pour ceux qui s'opposent au régime du Président ?
Décrivez le quotidien des Turkmènes soumis à la dictature et à la propagande.
Source du document : GINTRAC Cécile, 30 octobre 2006, Radio Vatican, émission de radio "Le Turkménistan, quinze ans apèrs l'indépendance.
Sur le site de Radio Vatican, consulté le 04/08/2008.
Cécile Gintrac est agrégée de géographie, professeur en classes préparatoires, et mène des recherches sur l'eau dans les villes d'Asie centrale.
Document n°8 : Achagabat : la mise en scène du pouvoir
Questions :
Pourquoi Niazov se présente-t-il comme descendant de hauts personnages de l'Histoire (politique, culturelle ou religieuse ?)
Pourquoi les statues représentant Niazov sont-elles plus imposantes que les autres ?
Quels travaux sont entrepris dans la ville d'Achagabat ? En quoi servent-ils la propagande ?
Quelle est la situation hydrique au Turkménistan ? Pourquoi ?
Quelle est la symbolique de l'eau ? Quel autre personnage de l'Histoire française a utilisé les fontaines comme symbole de son pouvoir divin ?
Pourquoi ces améngaments sont-ils coûteux ? Expliquez pourquoi les richesses sont mal réparties et ne servent qu'à financer le culte de la personnalité et la propagande.
En quoi ces aménagements vont-ils à l'encontre des principes de développement durable ? En quoi appauvrissent-ils la population ?
Source du document : FENOT Anne et GINTRAC Cécile, 2005, Achgabat, une capitale ostentatoire. Urbanisme et autocratie au Turkménistan, Editions L'Harmattan, collection Centre-Asie, Paris, pp. 93-99.
Anne Fénot est diplômée du master d'Ingénierie des Services Urbains en Réseau de l'IEP de Rennes, et travaille dans l'aménagement.
Cécile Gintrac est agrégée de géographie, professeur en classes préparatoires, et mène des recherches sur l'eau dans les villes d'Asie centrale.
"Achagabat apparaît comme la ville de toutes les ostentations dans l'unique but de servir la cause d'un président qui adapte librement l'histoire de la nation et en revisite tous les symboles : ne s'est-il pas lui-même présenté dans la Ruhnama comme le descendant direct de Mahomet et de Gengis Khan.
Des ancêtres prestigieux, faire-valoir de Turkmenbachy
La légitimité du pouvoir du président s'appuie en partie sur divers héritages politiques, culturels et religieux qu'il s'est abusivement appropriés. Pour rendre hommage aux grands personnages historiques et s'inscrire dans leur lignée, voire leur filiation, Turkmenbachy a fait ériger, dans le parc de l'Indépendance, un ensemble de statues monumentales à leur effigie. On retiendra parmi elles celles du poète et philosophe Magtymguly (1733-1783) ou du héros Görogly.
Mais le tableau ne serait pas complet sans la présence d'une imposante statue dorée de Turkmenbachy, reléguant les autres, en matériau moins noble, à de simples figurants. Ce Turkmenbachy doré est encadré par une haie de soldats en armure et entouré de fontaines.
Le président et prophète ne souhaite pas seulement s'imposer comme le descendant des figures tutélaires de la nation, il semble également vouloir symboliser l'avènement d'une nouvelle ère d'abondance. Dans une ville où les habitants sont soumis au manque chronique d'eau, la multiplication des fontaines depuis l'indépendance laisse croire que la précieuse ressource est inépuisable.
L'eau : signe du pouvoir divin
Les fontaines sont devenues omniprésentes dans le paysage urbain. Pas un bâtiment n'est construit sans que ne soit prévue l'installation d'une ou plusieurs fontaines en façade ou à proximité. Les plus impressionnantes se situent dans le sud de la ville, notamment dans le Parc de l'Indépendance. Construit sur un ancien terrain militaire de 180 ha, le parc compte aujourd'hui une cinquantaine de fontaines monumentales. Chaque année, pour la fête de l'Indépendance (27 octobre), un nouveau monument est construit. La fontaine se décline ici sous toutes ses formes : fontaines isolées et monumentales, fontaines intégrées aux bâtiments (centres commerciaux, musées...), cascades qui bordent les escaliers, canaux qui longent les allées.Il est difficile de dégager une unité esthétique.
Il s'agit plutôt d'un "pot-pourri architectural" sans équivalent. Les colonnes romaines et les arches grecques côtoient les imitations de réverbères français, les bâtiments modernes côtoient les éléments de "culture" turkmène. Cette abondance de l'eau ofrre un contraste saisissant avec le reste du parc, où les plantations de conifères ont le plus grand mal à pousser malgré un système de goutte-à-goutte. La dernière tranche de plantation vers le sud est particulièrement mal en point avec au moins un arbre sur trois sec ou malade.
Plus qu'un aménagement d'agrément, les fontaines témoignent d'une idéologie de la nature en complète continuité avec la doctrine possibiliste soviétique et participent de la représentation de la toute-puissance de Turkmenbachy. Le président semble vouloir prouver qu'il a affranchi la capitale de toute pénurie tant l'eau est omniprésente. Cet élément est plus que tout autre le symbole de la prospérité et du divin puisque Turkmenbachy n'hésite pas à déclarer dans sa Ruhnama qu' "Allah tout puissant nous a donné des terres et des ressources en eau illimitées".
Malgré ces dispositions surnaturelles, les fontaines ne s'en abîment pas moins rapidement, car elles fonctionnent dnuit et jour, hiver comme été. Des difficultés techniques sont induites par leur localisation, à proximité du désert. [...]
Le fond des bassins est souvent tapissé de sable, ce qui implique un entretien constant. En outre, les normes de construction sont décidées sans réelle concertation mais plutôt en fonction des prestations des sociétés. Tandis que les fontaines de Bouygues-Turkmen répondent aux critères occidentaux, les fonctaines turques sont rapidement endommagées. Le fonctionnement à plein régime cause de nombreux dégâts sur le marbre qui supporte mal la qualité de l'eau. A cause des infiltrations, la quasi-totalité des magasins du monumental centre commercial est, par exemple, fermée. En outre, même si toutes les fontaines fonctionnent en circuit fermé, la forte évaporation estivale nécessite une rémise à niveau et une alimentation en eau constante. Il serait difficile de donner une estimation chiffrée du gaspillage induit par cet usage abusif, mais les témoignages recueillis expriment souvent la colère de voir l'eau couler à flot en bas des immeubles alors que, bien souvent, les robinets domestiques ne laissent pas passer la moindre goutte aux étages."
Pour aller plus loin...
FENOT Anne et GINTRAC Cécile, 2005, Achgabat, une capitale ostentatoire. Urbanisme et autocratie au Turkménistan, Editions L'Harmattan, collection Centre-Asie, Paris, 228 pages.
PEYROUSE Sébastien, 2007, Turkménistan : un destin au carrefour des empires, Editions Belin et La documentation française, collection Asie Plurielle, Paris, 184 pages.
Médias, libertés et régime politique en Corée du Nord
Les médias en guerre : le cas de la Bosnie-Herzégovine
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